Et maintenant... par Omar Rharbaoui

Mon ami Omar Rharbaoui m'a envoyé un texte sur l'après discours des réformes constitutionnelles.
Je le publie avec plaisir.
Khalid Elhariry
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Et Maintenant...
 
Premières impressions 

Le discours du Roi Mohamed VI démarre à 20 heures.
Régionalisation, instances régionales élues directement, autonomie de gestion ... Ok ...
Puis à 20h10,  au moment où je my attends le moins le Roi déclare : " à partir de ces prémisses référentielles immuables, Nous avons décidé d'entreprendre une réforme constitutionnelle globale, sur la base de sept fondements majeurs" 
Le discours continue tambour battant : clarté du propos, radicalité de l'approche, main tendue, dévolution du pouvoir, tout y est ou presque.
A cet instant, je ne peux qu'être reconnaissant vis-à-vis de nos jeunes concitoyens du mouvement du 20 février. Linitiative de ce mouvement, déterminée et mature, a amorcé le débat sur la nécessité de la réforme constitutionnelle et a dénoncé courageusement le ras de bol de nos concitoyens face à la corruption et l'injustice sociale qui minent notre pays.
Le discours prend fin et comme beaucoup, ému et enthousiasmé, je me jette sur mon téléphone et sur les réseaux sociaux.
Sur les réseaux sociaux, les partisans du changement remercient le Roi pour son discours.
Silence assourdissant du coté des "anti" ... Ceux qui donnaient des leçons de patriotisme, ceux qui ont calomnié ...
Car, ne leur en déplaise,  le Roi a choisi. Il a choisi la seule voie possible, celle de la réforme vers une monarchie parlementaire et démocratique qui pérennisera la stabilité et le développement de notre pays.

Et maintenant ...

que le Roi a choisi.
C'est à cet instant que la charge écrasante de notre responsabilité collective se précise.
Car si ce discours a galvanisé le camp du changement et du progrès, je ne doute pas un instant quil ait incommodé une minorité qui tire profit dun système où le suffrage se monnaye, où la justice est arbitraire, où la « proximité » vaut privilèges. 
Et puisque le Roi a choisi, il nous incombe d’être vigilant face à ceux qui tenteront de nous duper et nous imposer un processus a minima. LHistoire ne devra pas se répéter.
Il nous faudra nous mobiliser et faire aboutir de réformes en ligne avec les énormes attentes de nos concitoyens.
Reste le comment.
La société civile sest exprimé, le Roi Mohamed VI a proposé, les partis politiques, et ceux de gauche notamment, sont absents.
Or la réforme ne saurait se faire sans ce maillon essentiel que sont ces formations politiques.
Il faut donc, et ce nest pas un vœu pieux, que le renouvellement générationnel simpose au niveau des instances dirigeantes de ces partis et quune offre politique, en phase avec les attentes de notre société, se développe et émerge.
La balle est dans notre camp !
 
Omar Rharbaoui

Casablanca Finance City, la Tunisie et l’Egypte

Certains événements, passés inaperçus sur le moment, prennent une signification toute autre deux mois et deux révolutions plus tard.

Nous sommes en octobre 2010. La Loi des Finances 2011 est en cours de discussion à la Chambre des Députés. L’une des dispositions de la loi concerne le statut fiscal de Casablanca Finance City (CFC). L’objectif étant de rendre CFC attractive pour y encourager l’implantation d’entreprises étrangères

Pour rappel, il s’agit d’une zone spéciale, à Casablanca, dédiée aux entreprises ayant des activités financières internationales, essentiellement orientées export, ainsi que des sièges régionaux d’entreprises multinationales.

L’une des mesures concernait  l’Impôt sur le Revenu (IR) appliqué aux salariés de ces entreprises. Le projet, approuvé par les conseils de gouvernement et des ministres, proposait un IR de 20% pour les non résidents au lieu du régime général dont le taux maximum est de 38%.

Si cette mesure était adoptée, cela voudrait dire que, par la Loi, et pour deux salariés, travaillant pour la même entreprise, dans le même bureau, effectuant le même travail, le marocain paierait un IR de 38% pour la plus grande part de son salaire, et le non résident (en gros le non marocain) ne paierait que 20%.

Nous avons demandé des explications au Ministre des Finances. Pour lui il s’agissait d’être compétitif face à la concurrence, en l’occurrence la Tunisie et Égypte.

Avec d’autres députés de l’USFP, nous avons réussi à mobiliser les députés de la commission des finances, majorité et opposition contre cette mesure.

Pour nous, il était hors de question d’accepter une mesure discriminatoire en défaveur de salariés marocains.  Nous demandions soit de supprimer cette disposition, soit d’en faire bénéficier tous les salariés des entreprises de CFC, marocains ou étrangers.

Plusieurs ministres me contactèrent à ce sujet pour essayer de nous faire accepter la mesure telle que prévue dans le projet de loi. Avec l’un d’eux, j’ai eu l’échange suivant (à quelques mots près):

Ministre: Je ne comprends pas votre position sur ce sujet. Vous allez faire perdre au Maroc un avantage compétitif.

Député: Dans ce cas, généralisons cette mesure à tous les salariés, marocains ou étrangers.

Ministre: On ne peut pas, on risque de faire perdre aux banques marocaines  leurs meilleurs salariés qui iront chez les entreprises CFC.

Député: Avec le niveau de bénéfices qu’elles réalisent, les banques marocaines peuvent, sans risques, offrir à ces salariés des rémunérations qui compensent le différentiel dû au taux d’IR.

Ministre: En plus le gouvernement ne sait pas quel serait le coût fiscal d’une généralisation.

Député: Faites vos simulations. Mais, sachez qu’en tant que députés, nous ne pouvons pas voter la mesure en l’état. C’est une question de Principe.

Ministre: Les Tunisiens et les Egyptiens, eux,  ne s’embarrassent pas de questions de Principe.  Ils décident et ils avancent.

Nous avons maintenu notre position. Finalement, après un aller retour entre les deux chambres, l’IR à 20%, fut généralisé à tous les salariés, marocains ou étrangers des entreprises de CFC.

Fin de l’épisode législatif.

C’était en novembre 2010.

Deux mois plus tard, les régimes tunisiens et égyptiens, qui « eux, ne s’embarrassent pas de principes », sont balayés par des révolutions populaires.

Les égyptiens et les tunisiens en ont eu assez des régimes qui n’accordaient aucune importance à la dignité de leurs citoyens, à ce qu’ils pouvaient ressentir. Des régimes qui légiféraient et agissaient en fonction des intérêts d’une minorité liée au pouvoir.

Les égyptiens et les tunisiens en ont eu assez de régimes qui ‘ne s’embarrassaient pas de principes’

Au Maroc, nous avons aussi certaines lois, certains règlements, certaines pratiques et certains dirigeants qui ne s’embarrassent pas de principes.

Le 20 février, des marocains ont manifesté contre ces lois, règlements, pratiques et dirigeants.

Mais au Maroc, nous avons aussi des institutions qui essaient et réussissent parfois à limiter leurs excès (parlement, médias, syndicats, ong…)

Tout l’enjeu de l’après 20 février est de renforcer le rôle et la crédibilité de ces institutions.

Au nom des Principes!